Les fromages de Savoie

Entre le 11e et le 15e siècle, le défrichement des forêts de montagne, encouragé par les seigneurs et les religieux, crée de vastes espaces destinés au pâturage des troupeaux. Dès lors, l’agriculture qui se développe s’oriente vers la production laitière et sa transformation en fromages. A partir de contraintes identiques, les hommes ont développé des savoir-faire différents dans chaque région, donnant naissance à des fromages spécifiques mais tous issus d’une longue tradition. 

Transformer le lait produit en été Les rudes conditions du relief et du climat ont forcé les montagnards à s’adapter au rythme des saisons. De nos jours encore, le printemps rime avec la sortie des troupeaux après le long hiver à l’étable, l’été avec la montée en alpage et les fenaisons, l’automne avec le retour dans la vallée.Le système des alpages (appelés aussi « montagnes »), spécificité des hautes vallées, est au coeur de la fabrication du fromage. C’était à l’origine une façon de transformer le lait produit en été, de le stocker et de le rendre transportable dans de bonnes conditions sanitaires.Pour faire les gros fromages comme le Beaufort ou l’Abondance, il fallait réunir au minimum le produit d’une centaine de vaches, engager un fromager, longtemps venu de Suisse, détenteur des secrets de fabrication. Une première grande révolution agricole au cours du 17e siècle est liée à la technologie fromagère avec l’invention et la diffusion des fromages « à pâte pressée cuite » de type « gruyère ». Ces fromages se conservent longtemps, jusqu’à une année et plus, et se transportent facilement : ils font rapidement l’objet d’un commerce nécessitant des capitaux et dégageant des bénéfices. La reconstruction de la quasi-totalité des églises au cours des 17e et 18e siècles en style baroque, témoigne de l’aisance des communautés de haute montagne, riches de leurs alpages. 

Les producteurs de laitDeux races de vaches sont bien adaptées depuis l’Antiquité à la montagne : la Tarine, originaire de Tarentaise, est un animal rustique, à la robe noisette et aux yeux « maquillés » de noir ; l’Abondance, originaire du Nord de la Savoie, est un peu plus charpentée, avec une robe acajou et une tête blanche. On trouve également des chèvres : l’Alpine, originaire de Savoie est une bonne marcheuse qui produit un lait utilisé pour la fabrication des chevrotins. Elle est reconnaissable à sa robe, le plus souvent marron avec une ligne noire sur le dos. Enfin, des brebis (notamment les Thônes et Marthod) fournissent aussi du lait, également transformé en fromage. 

Sept AOP et IGP On compte aujourd’hui cinq AOP : Beaufort, Abondance, Tome des Bauges, Reblochon et Chevrotin, et deux IGP, la Tomme de Savoie et l’Emmental de Savoie.De nombreux autres fromages sont produits en Savoie : le grataron d’Arêches (lait de chèvre), le Tamié (sorte de reblochon produit à l’abbaye de Tamié depuis le Moyen Age), le bleu de Termignon (fromage produit exclusivement en alpage, avec du lait de vache ; le “bleu” est naturel), le persillé du Mont-Cenis…

Aujourd’hui, ces fromages sont reconnus et protégés par des signes officiels de qualité, que les agriculteurs, producteurs et affineurs valorisent collectivement.