La recluse de Saint-Flour

Saint-Flour, cité médiévale, se développe sur le rebord d’un plateau volcanique en deux noyaux : la ville haute (la « ville »), siège des pouvoirs administratifs et religieux, et la ville basse (les « fauxbourgs »), lieu de négoce traversé par la rivière de l’Ander. En venant du nord-est, le Pont Vieux, en forme de dos d’âne, est le seul à permettre au Moyen Âge le franchissement de l’Ander. Il a été inscrit au titre des Monuments Historiques en 1946.

Le Pont VieuxConstruit au 11e siècle, il a été reconstruit partiellement en 1404 avec des pierres de maisons du faubourg détruites pendant la Guerre de cent ans. Une tour, à cheval sur la rive gauche, en défend l’entrée.Le pont et son quartier se développent du 12e jusqu’au milieu du 14e siècle et jouent un rôle de premier plan dans l’économie du pays sanflorain. L’eau de l’Ander fait en effet fonctionner une dizaine de moulins pour la mouture du grain et le foulage du drap, tandis que son affluent, le Résonnet, est bordé de tanneries. Les maisons de tanneurs sont encore reconnaissables à leurs grandes baies derrière lesquelles sèchent les peaux.Cette prospérité s’arrête avec les guerres anglaises qui viennent frapper les faubourgs de la cité que les remparts ne protègent pas.

La recluse de Saint-FlourLe Pont Vieux est le théâtre, vraisemblablement depuis le 12e siècle et jusqu’au 16e siècle, d’une tradition particulière : la recluserie ou reclusage. Au centre de ce pont se dresse un réduit de quelques mètres carrés dans lequel vit ou du moins survit, grâce aux oboles des sanflorains, une jeune femme ou un jeune homme. Par ses prières, cette recluse ou ce reclus doit protéger la ville des épidémies, des attaques de brigands. Ces jeunes gens, majoritairement des femmes, sont enfermés volontairement jusqu’à leur mort. L’enfermement donne lieu à une cérémonie à laquelle toute la population participe : un office religieux est tenu à la cathédrale, puis le cortège se rend jusqu’au réduit. Les familles des reclus sont anoblies. En majorité, les reclus vivent de quelques mois à une année (5 ans pour la plus endurante). Il faut résister aux conditions les plus extrêmes : le vent, le brouillard des demi-saisons, le froid glacial de l’hiver et des conditions d’hygiène entrainant anémie, fièvre, rhumatismes articulaires …

La recluse, source d’inspirationDans le cadre de la biennale d’art contemporain, Chemin d’Art, des artistes se sont inspirés de cette tradition des recluses. Ainsi, Isabelle Tournoud, avec sa sculpture Saint-Lunaire, entièrement réalisée en monnaie du pape renvoyant la lumière, évoque la robe des recluses. François Davin leur rend hommage en créant « Le gisant de toutes les recluses » dans le lit de l’Ander. Enfin, Viviane Riberaigua, avec son installation pour 150 recluses (on pense que 150 personnes sont ainsi mortes enfermées), réalise, comme un jeu de dominos, 150 figurines en cire reliées par le même long filament qui s’éteignent les unes après les autres ; chaque mort appelant la suivante.